Les droits des conjoints de fait

Il y a énormément de fausses informations sur plusieurs sujets de droit et les droits des conjoints de fait n’en font pas exception. Je vais tenter d’éclaircir 3 mythes qui sont tenaces.

« Mon conjoint et moi on se déclare conjoints dans nos rapports d’impôts. On a donc les mêmes droits que les couples mariés. » Il y a une très grande différence entre les lois fiscales et le droit civil. Donc, si vous êtes considérés comme conjoints pour Revenu Québec et l’Agence du revenu du Canada (selon leur définition) cela aura un impact uniquement sur les impôts et les différents crédits.

Au niveau du Code civil du Québec, on parle seulement des couples mariés ou unis civilement 1 . Les conjoints de fait ne sont pas reconnus pour l’instant.

Par exemple, quand on dit que les conjoints peuvent réclamer une pension alimentaire pour eux-mêmes en cas de séparation ou quand on parle du patrimoine familial qu’on doit partager, cela s’adresse seulement aux conjoints mariés ou unis civilement. Peu importe depuis combien de temps vous êtes conjoints de fait, ces droits ne s’appliqueront jamais à vous si vous n’êtes pas mariés. Le principe de base, c’est que les conjoints de fait, en cas de séparation, repartent avec leur argent et leurs biens à eux et ne peuvent pas exiger le partage des biens de leur ex-conjoint, peu importe depuis combien de temps ils sont ensemble.

Donc, même si des conjoints de fait font vie commune pendant 40 ans, que l’un des conjoints a un salaire très élevé et que l’autre n’a aucun revenu, il ne sera pas possible pour le conjoint sans revenu de réclamer une pension alimentaire pour lui ou d’exiger que son ex-conjoint partage les biens qu’il a accumulé pendant leur vie commune. Il y a une nuance par contre, c’est qu’on peut toujours exiger une pension alimentaire pour les enfants, que les parents soient mariés ou non.

« Ça fait plus de 3 ans que nous sommes conjoints de fait. C’est donc mon conjoint qui va hériter si je n’ai pas de testament. » Ce qui est important de savoir c’est que votre conjoint de fait, peu importe la durée de votre union, ne peut jamais héritier, à moins que vous le nommiez dans votre testament.

Si vous n’avez pas de testament, c’est le Code civil du Québec, donc la Loi qui déterminera vos héritiers. Le résultat dépend de votre situation personnelle, si vous êtes marié ou non, si vous avez des enfants, des frères et sœurs ou si vos parents vivent toujours, entre autres. Et même si vous n’avez aucun héritier légal selon ce qui est prévu au Code civil du Québec, c’est-à-dire si vous n’avez aucun parent jusqu’au 8e degré, c’est l’État qui héritera de la totalité de vos biens et non pas votre conjoint de fait. Il n’y a donc aucune possibilité que votre conjoint de fait hérite en l’absence de testament.

« Mon conjoint et moi sommes copropriétaires de la maison donc s’il décède, même sans testament, la maison me revient en entier. »

Même si vous êtes copropriétaires d’un bien, la part de votre conjoint fera partie de sa succession. Et comme vous venez de le constater, le conjoint de fait n’hérite pas sans testament.

En conséquence, la partie de la maison qui appartenait à votre conjoint va passer à ses héritiers légaux, ses frères et sœurs et ses parents par exemple, et vous vous retrouverez tous ensemble copropriétaires de la maison.

La solution : le contrat de vie commune

Pour pallier au fait que la loi n’offre pas de réelle protection aux conjoints de fait, il est possible de faire un contrat de vie commune. Mais c’est quoi au juste ? C’est pour les conjoints de fait qui décident de ne pas se marier. Il leur permet de mettre par écrit leur entente pendant que tout va bien advenant le cas où la lune de miel prendrait fin. Si, par exemple, au début de la relation, on a une conversation avec notre conjoint sur l’argent et qu’on s’entend sur des principes, la convention de vie commune sert à les mettre par écrit pour qu’on s’en souvienne lors de la mise en pratique ou de la séparation.

Par exemple, on peut établir qui paie quoi pendant l’union, on peut faire la liste des biens et des dettes de chacun au début de la relation, on peut décider comment on va partager les biens si on se sépare, décider est-ce qu’on veut pouvoir se réclamer une pension alimentaire en cas de séparation, etc.

Si on s’entend pour dire que le conjoint qui va demeurer à la maison avec les enfants mérite une compensation en cas de séparation, on peut le prévoir. On peut déjà établir comment on va partager l’argent si on vend la maison, dépendamment de qui a payé la mise de fonds et dans quelles proportions on a fait les paiements.

Un notaire peut accompagner les couples dans la rédaction d’un contrat de vie commune, qui sera personnalisé selon leur situation et leurs besoins. Comme se sont souvent des questions délicates dont les couples ne parlent pas ouvertement, c’est souvent plus facile d’en parler quand il y a un professionnel qui pose les questions qu’on n’aurait pas osées aborder directement.



1 L’union civile est une forme d'union légale similaire au mariage. Elle a été créée en 2002 pour permettre aux conjoints de même sexe de s’unir, alors que le mariage était à l’époque réservé aux conjoints de sexes différents.